Est-ce que les cas de collusion déjà identifiés sont des cas isolés? Comment peut-on en évaluer l’ampleur? Combien cela nous coûte-t-il ? Voilà quelques questions auxquelles j’essai de répondre dans ce article.
À chaque jour ou presque les journalistes rapportent de nouveaux cas de collusion.
Le contrat des compteurs d’eau, la surcharge des coûts des usines d’épuration
des municipalités du Montréal métropolitain, la surévaluation du volume de sols
à décontaminer, les contacts par des politiciens avec des promoteurs en
construction reliés à la mafia, des terrains vendus par la municipalité de
Montréal? à des coûts plus bas que leurs
coûts d’acquisition, des firmes de génie conseil et des bureaux d’avocat qui financent
les campagnes électorales municipales en retour de contrats bien payants, les
exemples ne manquent pas. Combien
d’autres cas y a-t-il? Il y en a
suffisamment pour instituer la Commission d’enquête Charbonneau et l’Unité
Permanente Anti Corruption.
Et il y a l’organisation criminelle que l’on appel
les « Fabulous Fourteen » dont
la raison d’être est la collusion dans l’industrie de la construction
d’infrastructure dans le grand Montréal.
Il est constitué d’un groupe de 14 entrepreneurs en construction qui
construisent la quasi-totalité des routes, rues, autoroutes, égouts, aqueduc,
hôpitaux et édifices publics de la
région. C’est la part prépondérante des travaux de l’ensemble
du Québec. Selon des reportages publiés dans « La Presse » et à
l’émission « Enquête », les membres de cette organisation criminelle,
surnommée «Fabulous-14», se concertent
depuis plusieurs années pour déterminer
à tour de rôle, qui remettra la soumission la plus basse, de façon à toujours
obtenir des contrats bien au-delà du prix qu’ils auraient obtenu en suivant les
règles. L’augmentation de coût des infrastructures
par cette fraude a été évaluée à 30% par le journaliste Alain
Gravel de l’émission Enquête[1]. Voici un exemple : au cours des trois
années (2008, 2009 et 2010) l'arrondissement Anjou a accordé 100% de ses
contrats à Construction Louisbourg, propriété de l'homme d'affaires bien connu
Tony Accurso.[2] Est-ce possible que Construction Louisbourg
soit toujours le plus bas soumissionnaire?
Et il y a le Ministère des Transports. Pour en savoir plus lisez le rapport
Charbonneau. Vous aurez tous les détails sur les techniques de collusion et de
corruption utilisés à travers le Québec par les firmes d’ingénieures et les
entreprises en construction.
Et il y a finalement nos projets gouvernementaux constamment
en dépassements majeurs :
Projets en cours ou terminés
|
Évaluation initiale en millions
|
Évaluation projetée ou coût
final en millions
|
Dépassement en millions
|
Dépassement en %
|
Train
de l’est [3]
|
390,0
|
715,3
|
325,3
|
83,4%
|
Échangeur
Dorval [4]
|
126,0
|
193,3
|
62,3
|
53,4%
|
Métro
de Laval [5]
|
378,8
|
785,0
|
406,2
|
107,2%
|
CHUM [6]
|
1 200,0
|
2 089,0
|
889
|
74,0%
|
Route 175 (dédoublement de la route à
travers le Parc des Laurentides) [7]
|
525,0
|
1 100,0
|
575
|
110,0%
|
Projets au Ministère des Transports [8]
|
337,0
|
420,0
|
83
|
24,6%
|
761 Contrats informatique Hydro-Québec [9]
|
369,0
|
760,0
|
391
|
106,0%
|
Dossier santé (Le projet original est
annulé après 5 ans et 308 millions de dépensés. La dernière évaluation pour
le compléter est de 1,4 milliard [10]
|
563,0
|
1 400,0
|
837
|
149,0%
|
Îlot voyageur [11]
|
332
|
529
|
197
|
59,3%
|
Total
|
4 783,8
|
8 554,6
|
3 770,8
|
78,8%
|
À combien se chiffre le pourcentage de dépassement des
coûts pour l’ensemble des projets d’infrastructure gouvernementaux au
Québec? Personne ne fait la comptabilité
de la collusion et toute évaluation peut être contestée. Malgré
ça quelqu’un doit prendre des décisions sur des mesures anti-collusion et pour
agir correctement doit mesurer ce taux de fraude en se basant sur des évaluations.
Compte, tenu des faits ci-dessus, avec le 30% calculé par monsieur Gravel me
semble conservateur. Une façon
d’évaluer les coûts publics liés à la corruption est d’appliquer ce pourcentage
à la dette du gouvernement du Québec, des municipalités et de l’Hydro-Québec
correspondant aux immobilisations qui sont composées principalement de projets
d’infrastructure. Cette part volée de 30% représente alors 34,4 milliards de
dollars[12].
Si cette somme avait été investie dans les réseaux de transport Montréalais il
n’y aurait plus de problème de congestion
et de transport en commun. Cela
représente 70% de l’écart entre la dette per
capita des Ontariens et celle des Québécois[13].
De plus, ce vol nous coûte 1,65 milliard par année en remboursement de capital
et d’intérêts. Cette somme correspond à
1,6 fois les revenus de la nouvelle taxe sur la santé de 200$ par personne en
2012[14]
et à sept fois l’augmentation totale sur cinq ans des nouveaux frais de
scolarité[15] .
Si on tenait compte de ce taux de corruption dans l’établissement du
tableau mondial des indices de corruption des pays, je ne serais par surpris
que le Québec se retrouve entre l’Italie
et la Grèce. Cette somme astronomique
permet aux actionnaires de firme conseils et de firmes de construction de
vivent grassement à vos dépends dans leurs résidences de style
« château » de banlieue, construites sur les rives des plans d’eau
entourant l’île de Montréal, avec leurs voitures de grand luxe, leurs yachts
aux Antilles et leurs beaux chalets dans les plus agréables régions de
villégiature de la province.
L’ampleur du problème est telle qu’aucun autre enjeu électoral n’est
plus important. Jusqu’à maintenant aucune mesure anti collusion à part quelques
vœux pieux n’a été proposée. Il faut de
nouvelles lois, des organismes de surveillance
indépendants du politique, des codes d’éthiques avec des dents… . Ce n’est pas
seulement la survie des programmes sociaux, c’est la survie de la démocratie même
qui en dépend.
[10]
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/sante/201105/04/01-4396102-dossier-sante-quebec-un-echec-tranche-le-verificateur.php
[12]
Calculs du butin volé
La dette publique selon le budget 2012-2013
[12]
est de 171 milliards. De cette dette 53,0 milliards sont attribuables aux
immobilisations, soit 31% du total. Le reste représente de déficit accumulé d’année
en année par le gouvernement. Les dettes
des municipalités et de l’Hydro-Québec sont entièrement attribuables aux
immobilisations et presque toutes attribuable à des projets d’infrastructure.
Elles sont respectivement de 21,4 et de 40,2 milliards[12].
Cela fait un total de 114,6 milliards (53 + 21,4 + 40,2).
Posons maintenant trois hypothèses :
1) La règle de l’appel d’offre est applicable à presque tous les
acquisitions du gouvernement à quelques exceptions près.
2) On évalue à 30% au minimum les
coûts de la fraude dans l’attribution des contrats d’infrastructure soit 34.4
millions (114.6 X
30%).
3) Le taux moyen du service de la dette du gouvernement du Québec est de
4,8 % soit 5,5 milliards (4,8/100 X 114,6). C’est ce qui en coute pour
rembourser la dette relié aux projets
d’infrastructures à chaque année. Ce taux peut raisonnablement être appliqué
aux dettes de l’Hydro-Québec et des municipalités.
La somme annuelle volée dans vos poches est donc de 1,65 milliard (30/100
X 5,5 milliards). C’est la part du remboursement des sommes volées qui ont été
versée aux actionnaires d’entreprise en service conseil et entrepreneurs en
construction.
[13]
http://www.cfib-fcei.ca/francais/article/3302-la-dette-nette-federale-et-provinciale-va-depasser-1-1-billion-de-dollars.html